L’anxiété induit-elle l’addiction ?

L’anxiété induit-elle l’addiction ?

Témoignage de Maud Tijardovic – psychologue clinicienne en addictologie.

Avant toute chose, il faut savoir distinguer l’anxiété et l’addiction :

– L’addiction est une dépendance liée ou non à une substance entrainant une conduite compulsive (hors de contrôle).

– Le stress est une réaction normale de notre corps qui nous permet de faire face à une urgence, un danger ou un changement. C’est ce qui a permis à nos ancêtres de survivre, de relever les défis et de se reproduire. Cependant, le stress peut avoir un impact négatif sur nous et lorsque celui-ci devient épuisant, il conduit à l’anxiété pouvant s’exprimer sous différentes formes (phobie, trouble de panique, anxiété généralisée…) et qui impactent la vie quotidienne.

L’anxiété et l’addiction sont liées mais peuvent exister l’une sans l’autre !

• Quel est le lien entre l’anxiété et l’addiction ?

Les personnes souffrant d’anxiété ont plus de chances de tomber dans l’addiction. Elles rencontrent également de grandes difficultés pour s’en sortir.

Les patients anxieux que je rencontre au cabinet consomment pour différentes raisons. Ces raisons vont les orienter vers la substance qu’ils vont consommer:

– Les personnes très introverties et qui présentent une anxiété forte socialement, vont avoir tendances à se tourner vers des addictions « sans substances » telles que les jeux vidéo. Le jeu aura alors une fonction de « tampon » entre les joueurs et le monde extérieur.
– Les personnes présentant un haut niveau de stress, voir une anxiété généralisée, vont consommer davantage des substances désinhibantes telles que l’alcool ou le cannabis.
– Les personnes stressées par le travail ou par un domaine de vie en particulier, vont être plus attirées par des substances comme le tabac. Ce dernier aura un effet « placebo » sur le cerveau et donnera l’impression aux consommateurs d’être plus détendu.

En outre, certains ne consomment pas pour autant, par peur de perdre le contrôle et d’avoir l’impression que quelque chose leur échappe. Lors des séances en thérapie, j’adapte ma prise en charge en fonction de chaque patient. Les troubles anxieux et l’anxiété généralisée s’atténuent grâce à un travail sur les émotions et sur les pensées en lien avec l’anxiété. Concernant les phobies et les crises d’angoisse, je propose au patient des exercices « d’exposition » afin d’habituer le patient au sujet de sa peur tout en contrôlant ses émotions sans se laisser submerger.

• Quels conseils pourriez-vous donner aux personnes anxieuses lors de l’arrêt de leur consommation ?

Ces personnes peuvent diminuer leur anxiété grâce à des exercices de respiration ou la méditation. De plus, il existe 5 stratégies de régulations émotionnelles très simples qu’ils peuvent utiliser tous les jours.

S’il sont amenés à rencontrer une situation stressante (ex: présentation d’un projet), ils peuvent « Sélectionner la situation » en se mettant dans de bonnes conditions pour réussir la présentation:

- bien dormir,
- manger sainement,
- s’assurer que la présentation est comme je le souhaite…

S’ils sont amenés à avoir un entretien avec leur patron et qu’ils sentent le stress monter pendant la discussion ils peuvent:

– Modifier son comportement face à la situation : si je sens le ton monter et mon stress s’emballer, je peux demander à mon patron une petite pause pour prendre l’air et prendre du recul.

– Réorienter son attention : en cas de forte dose de stress, je peux me poser les questions suivantes: Qu’est-ce que je ressens ? A combien sur 10 ? Ou dans mon corps ? Ainsi mon stress diminuera quand je me concentrerai sur mon ressenti plutôt que sur la situation stressante.
– Changer son point de vu.Par exemple, si mon patron m’explique tout ce qui ne va pas dans mon travail, c’est pour mon bien et pour que je puisse progresser.

Enfin, la dernière stratégie consiste à débriefer ce que la personne a pu ressentir après une situation stressante. Ainsi, elle sera plus à même de gérer la situation autrement si elle se reproduit.